Ce qui s’est dit… le 12/02/2014

Twitter,
déjà la bible !

À lire dans GQ Magazine, le mensuel consacré à la mode masculine, au style et à la culture, une critique fort élogieuse de l'ouvrage, par Arnaud Sagnard.

TWITTER, DÉJÀ LA BIBLE !

PAR ARNAUD SAGNARD

 

Dans “Tweets, l’Histoire s’écrit-elle en 140 caractères?” aux éditions Contrepoint, Olivier Tesquet et Christelle Destombes décryptent l’impact du réseau social au petit oiseau bleu sur l’Histoire. Critique.

 

Depuis qu’une partie de l’humanité (celle qui travaille dans un bureau situé dans un pays de l’hémisphère nord) passe ses journées à lire et écrire des phrases de 140 signes sur Twitter, il fallait qu’une personne arrête cette course effrénée et prenne le temps d’examiner les ressorts de cette activité. Avec la publication du livre Tweets, l’Histoire s’écrit-elle en 140 caractères? (éditions Contrepoint), c’est fait.

 

Cet ouvrage de 220 pages a la bonne idée de revenir en arrière (ce qu’on ne fait jamais sur Twitter) et d’analyser quelques dizaines de tweets qui sont déjà entrés dans l’Histoire et qui ont surtout contribué à la fabriquer. Sous la plume d’Olivier Tesquet (journaliste à Télérama, 21 000 tweets, 16 600 abonnés et de sa compère Christelle Destombes), on y trouve ainsi un tweet de Tsahal avertissant les membres du Hamas de ne pas se montrer sur le terrain pour ne pas se faire descendre, l’épitaphe laissée par Jean-Luc Mélenchon sur la tombe de Margaret Thatcher (« elle va découvrir en enfer ce qu’elle a fait aux mineurs ») ou l’annonce par Hassan Rohani, le président iranien, de sa rencontre avec Barack Obama. Les saillies des anonymes sont celles aussi répertoriées et étudiées comme « #chereCarlaBruni ma génération a besoin du féminisme pour que la pipe ne soit plus le ciment du couple » qui a déclenché une vague de Ellebashing l’année dernière. Ou encore le prémonitoire « Des hélicoptères survolant Abbottabad à 1h du matin (c’est un événement rare) » d’un certain Sohaib Athar qui sans le savoir révèle au monde qu’une mission américaine est entrée au Pakistan pour abattre le terroriste Ben Laden.

 

Au fil des pages, ce sont tout autant les modes d’expression favoris de ce réseau social (fails, fakes, retweet…) qui apparaissent que ce qui les sous-tend : volonté exacerbée d’informer, ostentation, obsession pour Justin Bieber ou cynisme ambiant. Bref, on y découvre un homme-medium. A lui seul, le tweet de Pascal Nègre, le président d’Universal Music France rendant hommage au tout juste refroidi Georges Moustaki tout en vendant ses disques, fournit d’ailleurs un bon moule. Contrairement à l’immense majorité des livres publiés, cet essai pratique a, à l’évidence, bénéficié de la présence d’un directeur artistique. Il dispose ainsi d’une vraie maquette, de jolis pictos et même de codes couleurs au pays du livre écrit noir sur blanc. Avec sa forme ultradécoupée, l’objet parvient donc à coller à son sujet. C’est peut-être finalement sa limite car on regrette que les auteurs ne consacrent pas plus de place à une analyse au long cours du chant de l’oiseau bleu. Il y aurait là de quoi faire définitivement taire les contempteurs de Twitter, Alain Finkielkraut notamment. Ou de leur faire ouvrir un compte.

 

Tweets, l’Histoire s’écrit-elle en 140 caractères?” d’Olivier Tesquet et Christelle Destombes, aux éditions Contrepoint, 14,90€