Ce qui s’est dit… le 08/03/2015

Les nouvelles féministes à l’honneur dans le Huff post

À l'occasion de la Journée internationale de la femme, un bel article signé Sandra Lorenzo.

Journée internationale des droits des femmes 2015: Beyoncé, Nicki Minaj, Miley Cyrus… qui sont les nouvelles féministes

Le HuffPost  |  Par Sandra Lorenzo

 

FÉMINISME – Ils sont 30 à occuper le petit panthéon que Johanna Luyssen, journaliste à Libération, a imaginé dans son livre, « Les 30 féministes que personne n’a vus venir« , sorti trois jours avant le 8 mars, Journée internationale des droits des femmes 2015. Au programme, Nicki Minaj, Kurt Cobain, Jane Austen ou encore Lucien Newirth. C’est sûr, on ne les avait pas vu venir, et il y a fort à parier que, parmi eux, certains refuseraient même l’appellation de « féministe ». Mais, c’est oublier qu’aujourd’hui, « féministe » n’est plus le gros mot qui il y a quelques mois encore écorchaient certaines oreilles.

Dans ce livre, nulle Olympe de Gouge, nulle Simone de Beauvoir. Non pas par snobisme de l’auteure mais plutôt pour dépasser ces figures tutélaires et pouvoir regarder le reste du monde d’un oeil neuf. « Beyoncé a-t-elle le droit d’écrire des tribunes sur l’égalité salariale pour ensuite se trémousser sur une chaise, comme aux plus riches heures de Guesh Patti? », se demande Johanna Luyssen pour qui la réponse est oui. A nous de distinguer, le personnage de scène et la femme. Inutile de chercher à décerner des brevets de féminisme, il s’agit plutôt de montrer que l’égalité entre les sexes est une oeuvre collective, plurielle et complexe, une somme d’individus très différents. Une vision du féminisme aussi déculpabilisante que rafraîchissante qui vient couronner une petite révolution qui a eu lieu en 2014.

Une vision du féminisme qui agace

Au départ, tout est une question de vocabulaire. Souvenez-vous des Destiny’s Child, au début des années 2000, elles s’affirmaient « Independant Women » en se prenant pour des drôles de dames et jouaient les « Survivor », rescapées sexy d’une liaison amoureuse toxique. Avant elles, les Spice Girls avaient largement préparé le terrain avec un « Girl Power » brandi à tout bout de concert et à grands renforts de paillettes. A la fin de la décennie précédente, des figures féminines très fortes apparaissent aussi dans les séries télé au travers de personnages comme l’ambitieuse avocate Ally McBeal ou de Buffy la tueuse de vampires dont « le féminisme est loin d’être factice » selon Johanna Luyssen.

Tout progressif que s’opère cet intérêt pour les femmes puissantes, il est clair que cette vague d’émancipation et d’affirmation a connu un retour de flamme en 2014. Le féminisme est devenu cool, rebaptisé pop féminisme ou féminisme pop. Plus question de s’imposer en chantre du girl power, on s’affiche désormais féministe. C’est même devenu une pré-requis pour les jeunes actrices/chanteuses/mannequins/autres à qui l’on pose la question dans toutes les interviews. Gare à celles qui n’auraient pas à portée de main définition du féminisme et conseils à donner au reste de la gente féminine. La jeune actrice Shaileene Woodley en a fait l’expérience en affirmant qu’elle n’était pas féministe, « J’aime les hommes », s’était-elle maladroitement défendue dans le Time soulevant la colère de nombre de ses consœurs et des féministes. Une vision du féminisme qui agace par sa légèreté et ses messages parfois contradictoires mais dont le pouvoir de séduction est très puissant.

Beyoncé, Miley, Lena et Emma

Comme le rappelle le Telegraph dans un article sur la façon dont le féminisme a conquis la pop culture, c’est Beyoncé qui a ouvert le bal en publiant en janvier 2014 une tribune intitulée « L’égalité des genres est un mythe ». L’objectif, que les deux sexes s’engagent pour que les femmes puissent « accéder à 100% des opportunités qui se présentent ».

Dans les mois suivants, dans les pays anglo-saxons en particulier, la sortie du livre de Lena Dunham, la créatrice très branchée de la série Girls réussit à entretenir la flamme déjà attisée par l’essai controversé publié en 2013, par Sheryl Sandberg, la directrice des opérations de Facebook, « En avant toutes! ». Lena Dunham parvient même à convaincre Taylor Swift, la chanteuse, reine des charts de 2014, qui disait ne pas se considérer féministe quelques mois plus tôt.

Tout s’accélère en fin d’année quand l’actrice Emma Watson, jusqu’alors surtout connue pour son rôle dans la saga d’Harry Potter monte à la tribune de l’ONU pour demander aux hommes de s’engager dans le combat pour l’égalité. Son discours sera visionné et partagé plus de 11 millions de fois. « J’ai décidé de devenir une féministe », affirme-t-elle en se demandant pourquoi ce mot jouit d’une si mauvaise réputation. Beyoncé, elle, ne se pose pas la question. En septembre, elle affiche ce mot en grandes lettres sur scène.

Des modèles de « mauvaises féministes »

Surfant sur la vague de Queen B., Miley Cyrus s’y est mise elle aussi, clamant à qui voulait l’entendre qu’elle désirait apprendre aux femmes à n’avoir peur de rien. Poses lascives, tenues provocantes et formules toutes faites, les attributs de ces stars sont critiquées voire mises en opposition avec leur engagement en faveur de l’égalité des sexes. « Le féminisme a besoin de champions populaires et de modèles, en particulier à l’heure des médias sociaux », affirmait le Telegraph pour expliquer le « retour de hype » du fameux terme et ce que certains appellent la troisième vague du féminisme. Pharrell Williams et Joseph Gordon Levitt se renvendiquent eux aussi féministes convaincus.

« Il est important de s’approprier le mot : musique, séries, romans, le féminisme est partout et de plus en plus courant », explique Johanna Luyssen contactée par Le HuffPost. Ainsi, elle n’hésite pas à défendre le clip Anaconda de Nicki Minaj reconnaissant avec humour que la chanteuse « ne se pose pas comme une figure intellectuelle de premier plan » mais que « le féminisme de Nicki Minaj nous dit ceci : mon cul m’appartient« : Une position qui n’est pas sans rappeler celle de Roxanne Gay, une essayiste américaine d’origine haïtienne qui a publié à l’été 2014 un texte intitulé « Bad feminist ». “Je revendique le label de mauvaise féministe parce que je suis humaine. Je suis bordélique. Je n’essaie pas d’être parfaite. Je ne dis pas que j’ai réponse à tout”, écrit-elle dans l’introduction à son essai. « Le féminisme appartient à tout le monde », abonde Johanna Luyssen.