Ce qui s’est dit… le 12/09/2017

Le livre du nez Jean-Claude Ellena

Par Marie-Laure de Vienne

Jean-Claude Ellena et quelques jus masculins épicés.

Le livre du nez Jean-Claude Ellena me fait rebondir sur les derniers jus masculins qui m’ont séduite et l’ouverture du Printemps de la Beauté, un vrai havre pour les sens.

 

Un livre : « L’Écrivain d’odeurs » de JC Ellena

Jean-Claude Ellena est un grand nez, un très grand nez qui a marqué toute une époque. A travers ce livre autobiographique, on se rend compte qu’il est non seulement parfumeur mais aussi écrivain, un artiste artisan donc à part entière.

Avec justesse et humilité J.C. Ellena raconte son parcours, sa vie semée de succès commerciaux : First de Van Cleef & Arpels, Déclaration de Cartier, Eau de Campagne de Sisley, Eau Parfumée au Thé Vert de Bulgari, L’Eau d’Hiver pour Frédéric Malle, Bois d’iris pour The Different Company avant les belles réussites de Terre d’Hermès et Jardin en Méditerranée pour Hermès.

Mais si les pages se feuillètent comme un voyage autour de l’olfactif, le livre est surtout une interrogation : que signifie ‘être parfumeur’ ? C’est être à 100 % un créateur d’émotions. Mais Jean-Claude Ellena – avec peut-être une pointe de tristesse – constate que le microcosme de la parfumerie n’est plus celui des années 70. Aujourd’hui le parfum s’est banalisé et sous la pression américaine il est devenu un produit banal de consommation défini par le marketing et prisonnier de ce marketing. La créativité est bridée, de nouvelles voies olfactives doivent s’ouvrir avec une composition amoindrie en notes, des matières interdites d’utilisation.

Ce nez a grandement raison : il faut aujourd’hui répondre au plus grand nombre, satisfaire une offre spécifique de jeunes ados, d’hommes trentenaires citadins ou de femmes mûres. Le ‘briefing’ (mot jamais employé par Ellena) des grands groupes type Coty, L’Oreal, Interparfums, LVMH est maître d’œuvre de nos jours et ainsi s’envole une certaine liberté olfactive.

Heureusement est née une parfumerie de niche (néanmoins assez axée sur le marché oriental) ; heureusement quelques maisons s’offrent encore le luxe d’un nez exclusif ; heureusement quelques parfumeurs préservent ou reprennent leur liberté (Jean-Michel Duriez) mais pour combien de temps ? (Maison Francis Kurkdjian vient d’intégrer le portefeuille de marques de LVMH).

Jean-Claude Ellena a quitté Hermès en laissant sa place à un autre grand nez, Christine Nagel. La célèbre maroquinerie du faubourg St Honoré a donc de beaux jours olfactifs devant elle avec une jeune femme aux talents immenses.