Ce qui s’est dit… le 29/04/2016

Le blog « Le cas Stelda » décrit Nez comme un choix audacieux.

Ou de la folie ? De l'amour ? Du rêve ? De la foi ? La revue NEZ est une aventure si dingue que j'ai bien du mal à trouver les mots.

Vous êtes fascinés par les odeurs, passionnés par les parfums, accro aux beaux livres et à la presse ? NEZ est fait pour vous. 144 pages de pur bonheur, avec une maquette à tomber, de vraies plumes et une montagne d’infos passionnantes. Surtout, ne dites pas que je le survend, c’est pire : NEZ est un exploit. Il réconcilie web et papier, grandes marques et petites maisons, rigueur et poésie, le fond et la forme, pub et indépendance d’esprit.  
« Stelda, t’es choute à t’enflammer comme ça, mais y a QUOI dans ce truc ? » De tout. On y trouve des articles assez classiques comme le portrait d’une marques, l’interview d’un parfumeur et d’un cuisinier mais aussi une infographie sur la famille des chypres, l’odeur chez l’écrivain Aragon, un portfolio sur les odeurs de l’Opéra de Paris, un lexique de la parfumerie, des articles de scientifiques, la découverte de l’étrange métier du « nez » de la Nasa,…  bref, NEZ explore toutes les facettes du monde de l’odeur., vers le haut, le bas, la droite, la gauche, sous tous les angles.
On y trouve même des critiques de parfums,  une originalité dans le monde de la beauté, comme le souligne le magazine Stylist. Un comble, mais une réalité : aucun magazine féminin ou luxe ne s’aventure jamais à critiquer le moindre jus. Chez NEZ, on y va franco : Poison Girl est comparé sans détours à « une grosse production avec de bons effets spéciaux, mais sans émotions ni inventions. Le décor sans l’esprit. » Une honnêteté rafraîchissante et nécessaire, qui est la marque de fabrique de ses fondateurs, Dominique Brunel et Jeanne Doré. On leur devait déjà le webzine Auparfum.com (150 000 visites mensuelles), devenu la bible des amoureux du parfum sous toutes ses formes. A l’heure où beaucoup transforment le papier en site internet et prédisent encore et toujours la mort du papier, NEZ, qui ose le contraire, réjouit mon coeur de magazinophile et de kinesthésique.

Comment un tel OVNI éditorial a-t-il pu voir le jour ? Armée d’une liste de questions longue comme le bras, j’ai contacté Dominique Brunel pour en savoir plus. Il a très gentiment répondu à mon interview. Et surtout, sans langue de bois.

 

– La revue NEZ est sortie le 14 avril. On vous trouve en librairie et en parfumeries de niche… mais mes lecteurs sont de malheureux provinciaux. A-t-on une chance de vous trouver à la Fnac, chez Cultura ou en Relay ? Nez est un livre… périodique. C’est vrai que nos futurs lecteurs ont parfois du mal à nous trouver. Nous sommes donc dans un certain nombre de librairies, et en général dans les FNAC et grands magasins du livre de ce type. Relay nous a pris un petit volume d’exemplaires ce qui était une surprise, car ils ne prennent normalement que des titres déjà installés. Les gens savent ce qu’ils vont acheter dans un Relay en général, il faut donc que la revue soit un peu connue !

– Pour créer la revue, vous avez lancé un crowdfunding de 20 000 euros. L’objectif a été atteint en un mois (pour se terminer à 25 000 euros). Vous pensiez y parvenir si rapidement ?
Oui et non. J’étais certains que nous y parviendrions, parce que nous avons derrière nous une communauté motivée… à qui nous n’avons jamais demandé un euros en 9 ans avec Auparfum :). La plate-forme nous avait conseillé de ne pas placer le seuil de succès à ce niveau, mais plus bas. Pour éventuellement communiquer sur notre succès après par exemple 10 000 euros ou 15 000… mais nous n’avons pas voulu. Nous ne trouvions pas ça… marrant. Il faut savoir que si l’on atteint pas le montant demandé, on perd tout ! Enfin, on ne gagne rien.

– Pourquoi vouloir passer au papier ? Pour créer un lien physique entre les membres de la communauté Auparfum (on peut réellement parler de communauté, car les échanges et la passion y sont très importants) ? Au début, c’était presque trivial. On ne gagne rien avec Auparfum. Pourquoi ne pas faire du papier qui serait acheté par le lecteur et qui pourrait accueillir de la pub ? Et puis le projet a pas mal évolué, il est devenu un bel ouvrage de librairie, alors qu’au début nous aurions pu nous fourvoyer et tenter de faire un magazine « normal », mensuel ou bimestriel*… Le problème c’est qu’en avançant, on s’est dit « OK, ça va être sympa mais on ne va encore pas gagner d’argent ! Espérons ne pas en perdre ». 


– D’où vient votre choix de l’éditer en partenariat avec une maison d’édition ? Comment vous partagez-vous les tâches ?  Parce que nous ne savions pas faire de l’édition. Tout simplement. L’idée de base a subi quelques errements, mais la rencontre un peu fortuite avec les éditions Le Contrepoint nous a permis de donner une forme à la multitude de choses que nous souhaitions écrire…  Le Contrepoint édite aussi la revue Omnivore ce qui nous a tout de suite conforté dans l’idée qu’ils allaient faire un bel objet. Le Contrepoint apporte sa compétence graphique, sa connaissance de l’édition. Il gère notamment la relation avec le distributeur Interforum. Le rôle du distributeur est commercial, puisqu’il présente les nouveautés aux librairies, et logistique, puisqu’il est chargé de… les livrer. Le Contrepoint gère également la partie relations presse et on peut en voir les beaux résultats.

– Je suis heureuse d’avoir soutenu la sortie du premier numéro en participant au crowdfunding et j’avais très peur qu’il n’est pas de suite mais le deuxième numéro est déjà en préparation. Ouf! Il y a tellement à écrire sur le parfum que vous pourrez sûrement faire 1000 numéros sans problèmes. Comment expliquer qu’il n’y avait jusque là aucune revue consacrée au sujet ? D’abord, je précise un point : nous parlons olfaction et parfum… pas seulement parfum, même si c’est toujours en filigrane bien entendu. (ndlr : en disant parfum, je pensais bien sûr odeur!) Pourquoi ne parle-t-on pas de parfum ?… A cause de la publicité ? Notamment. Il y a une sorte d’habitus dans la presse et culturellement : le parfum est un sujet futile, cosmétique, qui ne mérite pas qu’on pose des mots intelligents dessus, sauf à quelques exceptions près bien sûr. Je ne citerai personne pour ne pas en oublier, mais il y a des journalistes qui proposent des articles super intéressants. Mais c’est assez diffus. D’un autre côté, les marques n’ont jamais eu l’habitude qu’on parle d’elles. Comme je le disais, la publicité leur suffisait. Aujourd’hui, nous proposons, à la suite d’Auparfum et des blogs parfum, un discours différent, intelligent (je l’espère) (ndlr : il l’est!!!), pédagogique, qui pose le parfum comme un sujet de réflexion historique, artistique… et les marques semblent le comprendre. J’avoue que c’était la crainte. Les annonceurs, dont Chanel, n’ont jamais posé de question sur le contenu, ni essayé de faire pression…. Il y a eu une revue dans les années 80, ‘L’un des sens » mais qui n’a pas perduré. Je ne sais pas pourquoi.

– A combien d’exemplaires avez-vous tiré ce premier numéro ? Avez-vous réussi à atteindre l’équilibre ? L’équilibre est atteint oui… d’une certaine façon. Je ne vais pas entrer dans le détail, mais nous avons tiré 5000 exemplaires dont la moitié n’est pas distribuée en librairie mais l’a été pendant le crowdfunding, à travers la vente à des sociétés (pour leurs collaborateurs ou des cadeaux clients), et à des parfumeries qui les distribuent (la liste est ici www.nez-larevue.fr/nez-lieux-de-vente/) et sur Auparfum. Notre partie a été écoulée et nous avons de nouveau imprimé ce qui porte le premier numéro à 7000 exemplaires. Côté librairie, c’est plus compliqué à déterminer car on n’a pas de retours immédiats sur les ventes… mais j’ai souvent des appels de libraires qui souhaitent se procurer la revue.  Côté rémunération, les 17 contributeurs ne l’ont pas été pour le premier numéro et nous devrions les en remercier chaque jour ! Nous avons été entourés d’une très belle équipe, dont beaucoup ne se connaissaient pas… dont certains ne nous connaissaient même pas nous, avant que nous leur proposions de collaborer à Nez… gratuitement. Mais nous avions un engagement : pour le numéro 2, vous serez rémunérés ! Et ils le seront. Ouf. Au sujet de la distribution, je voudrais ajouter que la présence de Nez dans les parfumeries a amené des gens qui voulaient nous lire à se déplacer en boutique… parfois des boutiques qu’ils ne connaissaient même pas. Et c’est une grande satisfaction pour nous d’autant plus que nous ne l’avions pas anticipée.

– Malgré votre indépendance légendaire, les annonceurs vous ont suivi pour ce premier numéro. Preuve que c’est possible d’affirmer ses choix éditoriaux face aux grandes marques de luxe et de beauté… Comme je le disais plus haut, les marques l’ont très bien pris. Aucune pression… et malgré une ou deux critiques pas très sympa (mais justes !) dans le numéro 1, nous n’avons pas eu d’appels enragés d’attachées de presse mécontentes. Nous nous disons que depuis près de 10 ans, les marques ont pris le pli. Et c’est plutôt une preuve d’intelligence. Même si c’est parfois en mal, nous parlons d’elles, ce qui est déjà bien. Après, chacun est libre d’aller tester ces parfums que nous critiquons et d’être ou pas d’accord avec nous. Nous avons sans doute un rôle de prescripteurs, mais nous ne faisons ni ne défaisons les marques. A titre personnel, je suis assez amusé et content de voir cohabiter des marques comme Chanel d’un côté et Olfactive Studio, The Different Company ou Aether de l’autre. C’est un amusant mélange. Les marques « de niche » nous ont soutenus dans cette démarche, elles n’ont pas pour habitude d’acheter de la publicité… d’un autre côté, disons que c’était assez malin de leur part d’être dans ce premier numéro qui va sans doute devenir collector ! Et je voudrais ajouter qu’au-delà des annonceurs, les industriels aussi nous ont accompagnés. IFF (International Flavor & Fragrances) et Arcade Beauty nous ont permis d’accompagner la revue de la carte odorante des odeurs de l’école. Cette carte n’a pas été pour rien dans les retombées presse que nous avons obtenues. Les journalistes aiment bien ces angles un peu anecdotiques, qui permettent d’entrer facilement dans un sujet. Cette collaboration avec IFF et Arcade a été une belle marque de confiance pour nous, et encore une fois, ils ne connaissaient auparavant de nous qu’Auparfum… et je suis sûr qu’en cherchant bien, on doit trouver des critiques pas très tendres sur Auparfum de parfums IFF ! Encore une preuve que Nez a su fédérer beaucoup de gens, intelligents et de bonne volonté, autour d’un projet simple : l’olfaction.

Simple, mais pas simpliste. Merci, NEZ. Ne touchez à rien mais revenez vite.